La clémentine corse

Jean-Toussaint Cipriani, Vescovato

Terre ancestrale

Durant les derniers jours de mon périple en Corse, j’ai rencontré Jean-Toussaint Cipriani. C’est son grand-père qui a décidé de se lancer dans l’arboriculture. Issu d’une famille de propriétaires corses, il avait tout le terrain nécessaire pour expérimenter. Grande de 70 hectares, l’exploitation comprend des clémentines, de la nova, du raisin de table et depuis cette année des citrons.  

Jean-Toussaint m’a accueilli chaleureusement sur son domaine, je vous laisse avec quelques questions que je lui ai posées durant ma visite. 

Pourquoi avoir choisi la clémentine ?

Mon grand-père a commencé par le raisin ensuite pour se diversifier il s’est lancé dans le kiwi, c’était très prometteur à l’époque, puis les prix se sont effondrés. C’est après cela qu’il s’est lancé dans la clémentine. C’était assez difficile, car ils ne gardaient que les calibres 2 et 3, ça faisait pas mal de pourcentage de perte. Petit à petit, ils ont cherché à valoriser le produit avec l’IGP (Indication géographique protégée), à calibrer, à faire toute une traçabilité. On a pu s’attaquer à de plus gros marchés, s’exporter et surtout valoriser le produit.

Pourquoi jeter ces calibres ? Est-ce toujours d’actualité ?

Les gens n’en voulaient pas. Maintenant, ça change. Pour les petits calibres (les plus grandes tailles), on fait des barquettes d’un kilo, ça part plus facilement. Sinon pour tout ce qui est calibre 6 et plus bas (les plus petites tailles), en général on les vend à des personnes qui font des jus de fruit, des confitures ou des fruits confits.

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La marmelade invendable

Parle-moi de ton grand-père

Quand il a commencé, il n’y connaissait rien. Il n’avait pas d’argent, il a même emprunté le sécateur d’un de ses oncles. D’ailleurs, il a fait la bêtise de planter les clémentiniers en est-ouest, il faut toujours planter en nord-sud pour le soleil. Ici, ça fait de grandes files, c’est plus joli, mais ça baisse la production.

Les parents de mon grand-père ne souhaitaient pas qu’il se lance là-dedans. Lorsqu’il a voulu acheter un tracteur, son père lui a dit « tu ferais mieux d’acheter un bœuf, lui au moins il te fera de l’engrais pour tes arbres », mais lui voulait le tracteur, il n’avait pas cette notion avant.

Sais-tu pourquoi on a importé la clémentine en Corse ?

Je pense qu’ils ont importé la clémentine et d’autres agrumes parce que le climat de la Corse était bon pour leur développement. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont créé l’INRA ici (L’Institut national de la recherche agronomique environnementale), spécialisé dans l’agrume. Ils ont la plus grande collection d’agrumes de France. La Corse c’est une terre d’agrume, peut-être d’ananas et d’avocat bientôt en vue du réchauffement climatique. Et puis il y a plein de microclimats en corse : en fonction de là où on est il y aura des endroits plus secs, plus humides, plus frais…

Qu’est-ce qui a rendu la clémentine populaire ?

À l’époque, lorsqu’ils ont importé la clémentine en Corse, c’était les mêmes variétés qu’en Espagne. Sauf que comme c’était la même, les gens préféraient l’acheter en Espagne, pour moins cher. Je crois que c’est à l’INRA qu’ils ont créé la clémentine corse, plus petite certes, mais avec du goût : la SRA 63. C’était la seule qui avait le droit d’être commercialisée avec des feuilles, car on est sur une île, il n’y avait pas de risque d’import de maladie. Maintenant, on a perdu cette exclusivité.

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La couleur clémentine

Quels sont les principaux nuisibles ?

Pour les clémentiniers, il y en a plusieurs : la cochenille farineuse, les pucerons… Il n’y en a pas un qui domine. En ce moment (en septembre), il faut faire attention, car comme il fait encore chaud, il y a un insecte qui pique les fruits et qui les fait tomber : c’est une mouche, la cératite. Tant qu’il ne fait pas moins de 20°C, elle peut piquer le fruit et faire tout chuter. C’est un problème qu’on n’avait pas avec la clémentine, car en général en septembre il faisait plutôt frais. Donc on traite chimiquement, on n’a pas encore d’auxiliaires contre cette mouche.

Pour les citronniers, il y a le mal seccu, c’est un champignon qui empêche la sève de circuler, du coup ça sèche l’arbre. Il n’y a aucun traitement pour ça. Le citronnier c’est un arbre qui a besoin d’être un peu stressé. Si on gère mal l’irrigation, les arbres meurent.

Quelles sont les normes de l’IGP ?

Toutes les clémentines doivent être ramassées à la main, il faut laisser deux/trois feuilles lorsqu’on les coupe. Elles doivent être calibrées le jour où elles sont ramassées et expédiées le lendemain. En général pour savoir quand récolter, on fait des analyses pour connaître l’acidité et le taux de sucre, c’est compris dans l’IGP.

Tes citronniers sont-ils bio ?

Pour l’instant, ils sont conventionnels, après je les passerais en conversion pour qu’ils soient bio, mais c’est pour mieux les accompagner au début. Sinon au lieu de grandir en 5 ans, ils vont grandir en 10 ans. La vigne et la nova sont aussi en conversion bio.

Comment se passe la conversion ?

Ça prend trois ans, il faut abandonner certains produits chimiques : plus d’engrais chimique, que des engrais organiques. Et plus d’herbicide, par contre pour ça, il n’y a pas d’alternatives. La mauvaise herbe dans la parcelle, c’est le plus difficile à gérer. Il y a des machines, mais ce n’est pas encore ça.

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Pourquoi l’enherbement est-il plus difficile à gérer ?

Parle-moi de ta calibreuse

On l’a depuis un an cette machine. Avant on avait plus ou moins la même, mais il fallait plus de monde au calibrage. Le problème c’était le personnel, on avait du mal à trouver des gens. C’est pour cela qu’on est allé vers l’automatisation.

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Description de la chaîne

Quel est ton fruit préféré ?

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Description de la nova

C’est la nova. D’ailleurs, je l’ai faite bio, car elle se vendait une misère, ce n’était pas évident, mon père avait prévu de l’arracher. Mais c’était mon fruit préféré, donc ça me faisait de la peine. Il y a la clémentine à côté, ça rentre en concurrence. Le fait de la passer en bio la rend plus rentable.

Quel serait ton conseil pour choisir la bonne clémentine ?

Ne pas regarder le calibre déjà, la taille, ça ne veut rien dire. La provenance, toujours acheter local si on peut. Après franchement, bio pas bio, ça, c’est des bêtises. C’est sûr, il y aura moins de pesticides, mais ça ne changera pas le goût. Si l’on cherche vraiment un fruit de qualité, il faut d’abord acheter local. C’est la proximité qui fait que le fruit va être frais et bon.

Contact

Jean-Toussaint Cipriani
Domaine de Cardidelli
20215 Vescovato